L'IRONIE
L'ironie est une forme d'expression dans laquelle on se moque de quelqu'un,
d'un adversaire ou d'une idée. Elle consiste essentiellement en un écart, un
décalage entre ce qui est dit et ce qui est pensé.
C'est une forme argumentative, mais aussi narrative et dramatique.
Plusieurs procédés rhétoriques sont couramment employés dans un but
ironique:
- l'antiphrase, qui
consiste à dire le contraire de ce que l'on pense et que l'on veut faire
comprendre.
Ex : « Quel courage ! », peut-on dire pour se moquer d'un lâche. - la litote, qui est une
figure d'atténuation, peut également être utilisée ironiquement.
Ex : « On ne peut pas dire que la France soit une grande nation en ce qui concerne le golf. » - la prétérition, qui
consiste à dire quelque chose en disant qu'on ne le dira pas.
Ex : « Je ne dis pas que tu es stupide. » (Ce qui est une manière de le dire quand même.) - l'hyperbole
Ex : « Quel tableau magnifique ! Quel chef d'oeuvre ! On dirait du Rembrandt, du van Gogh ! », à propos d'une croûte. - l'ajout d'un commentaire
absurde
Ex : « Pangloss fut pendu, bien que ce ne fût pas la coutume. » (Voltaire, Candide)
Mais l'ironie est essentiellement un fait d'énonciation. Elle consiste en
une distance entre l'énonciateur (celui qui parle) et l'énoncé (ce qu'il dit).
Dans une argumentation, l'ironie consiste à faire semblant de donner la
parole à son adversaire, à le citer pour mieux montrer que ses idées sont
absurdes, odieuses ou ridicules.
Dans un récit, l'ironie tient souvent à une opposition entre le narrateur
et le point de vue.
Au théâtre, l'ironie dramatique se produit quand un des personnages
présents sur scène ignore quelque chose que les autres et les spectateurs
savent. Ce peut être un procédé de la comédie (quelqu'un est caché dans un
placard et épie ce qui se passe et ce qui se dit), mais aussi de la tragédie
(par exemple quand, dans OEdipe roi de Sophocle, OEdipe mène l'enquête pour
retrouver et châtier le meurtrier de son père, sans savoir que c'est lui-même1).
Dans l'argumentation, l'ironie est une arme très efficace, car elle permet
de mettre les rieurs de son côté. C'est l'arme favorite des Philosophes du
XVIIIe siècle, comme Voltaire ou Montesquieu.
Mais à l'inverse elle peut présenter un danger pour celui qui l'emploie,
car il est possible que le lecteur ne la perçoive pas et prenne le texte au
premier degré, faisant ainsi un contresens et confondant l'ironiste avec ceux
qu'il attaque. Afin que l'ironie soit comprise, il importe donc :
- qu'il existe une connivence entre l'auteur et le lecteur, et donc au minimum que ce dernier connaisse l'écrivain ;
- que le lecteur connaisse suffisamment la situation dont il est question dans le texte ;
- que les auteurs disposent dans leurs textes des indices indiquant leur intention réelle. Ce peut être des « signes de ponctuation » (dans le temps un typographe avait créé un point d'ironie, mais il n'eut aucun succès ; dans les messages électroniques envoyés sur l'Internet, on signale les phrases ironiques par le dessin suivant ;-) que l'on comprend si on le regarde en tournant la feuille à 90° et en dessinant un rond autour.) Mais il s'agit le plus souvent d'indices de langage.
1. Enfant abandonné et
recueilli par un couple, il a plus tard tué un vieillard sans savoir que
c'était son vrai père.
L’ironie est une argumentation par l’absurde,
qui tente de séduire le lecteur par un appel à son intelligence. En effet le
lecteur doit comprendre qu’il est appelé à prendre ses distances avec la
formulation brute et qu’il doit inverser les affirmations de l’auteur. C’est un
jeu subtil, fascinant, mais qui peut produire l’effet contraire à celui qui est
escompté si le lecteur accepte tout au premier degré.
L’ironie est une arme essentielle de la stratégie argumentative parce qu’elle rend le récepteur complice, qu’elle l’oblige à parcourir la moitié du chemin dans l’adhésion à la thèse. L’opinion se dissimule en effet derrière une formulation strictement inverse ; aussi le lecteur doit-il être attentif et réagir aux indices qui la lui indiquent :
L’ironie est une arme essentielle de la stratégie argumentative parce qu’elle rend le récepteur complice, qu’elle l’oblige à parcourir la moitié du chemin dans l’adhésion à la thèse. L’opinion se dissimule en effet derrière une formulation strictement inverse ; aussi le lecteur doit-il être attentif et réagir aux indices qui la lui indiquent :
- une logique absurde : elle consiste à relier une cause donnée et une conséquence sans rapport avec elle. L’absurdité marquée de cette relation doit heurter le lecteur. Par exemple, Montesquieu, dénonçant le racisme primaire s’exprimait ainsi : "[Les nègres] ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre".
- la caricature poussée jusqu’au cynisme : le lecteur est averti par l’énormité du propos ou son caractère franchement ignoble. Montesquieu : "Le sucre serait trop cher si l’on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves."
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